Critique film Vivre avec les loups de Jean-Michel Bertrand
Dépassant les postures polémiques, l’auteur nous amène de manière sensible et cinématographique à percevoir différemment la nature qui nous entoure et les animaux qui l’habitent : chevreuils, chamois, bouquetins…
Un voyage de Jean-Michel Bertrand avec de surprenantes rencontres, humaines et animales, avec son style inimitable, le réalisateur nous entraîne dans des réflexions naturalistes et philosophiques sur la nature.
** © Bertrand Bodin
A propos du réalisateur :
Le cinéaste français, Jean-Michel Bertrand, voit le jour en 1959, à Saint-Bonnet, capitale coquette du Champsaur où sa famille demeure depuis des générations. Dans ce territoire des Hautes-Alpes, le bocage luxuriant côtoie la rudesse des hautes montagnes. L’école l’intéresse peu. Il court la montagne, préfère la compagnie des animaux et la solitude des cimes. À 16 ans, Jean-Michel se lance dans la vie active, tour à tour moniteur de ski ou « planteur d’arbres » au sein de l’Office National des Forêts. Écologiste bien avant l’heure, son amour de la nature va l’emmener aux quatre coins du monde. Passionné d’images, il tourne un premier long métrage en Islande. Le film recevra le premier prix du festival des films de Grands Voyageurs de Super Dévoluy. Immergeant sa caméra dans des univers décalés, le solitaire à l’œil affûté n’arrêtera plus de tourner. À Belfast et Dublin, il témoigne de la misère des enfants des rues qui survivent en élevant des chevaux. Délaissant cette urbanisation délirante, Jean-Michel s’échappe avec les nomades mongols. Pendant une année, il suit leurs errances millénaires. De retour en France, le cinéaste se lance dans un tournage plus personnel : il part à la recherche de « son » aigle. Oiseau mythique qui orchestre ses rêves depuis l’enfance. Une quête filmée dans son jardin, au cœur des montagnes de son enfance. Le cinéaste arpente des étendues oubliées, se fond dans le décor, scrute le ciel avec obstination… jusqu’à l’inoubliable rencontre.
En 2009, le tournage du film Vertige d’une rencontre est achevé. Avec humour et émotion, Jean-Michel Bertrand ouvre pour nous les portes d’un univers tout à la fois proche et mystérieux. Devant sa caméra le « petit peuple » des montagnes se révèle dans toute sa beauté et sa complexité. En 2015, il commence le tournage de La vallée des loups produit par MC4 et Pathé. Le film sort début 2017 et enregistre plus de 300.000 entrées. En 2020, Marche avec les loups poursuit son aventure avec le loup et la nature sauvage. Plus de 200 000 spectateurs vont le voir mais la COVID a coupé son élan.Vivre avec les loups est le troisième volet de cette aventure.
** © Bertrand Bodin
Filmer les loups et la nature :
La durée du tournage s’est étalée sur un an et demi. J’ai besoin de ce temps, d’une part pour réussir à filmer les loups dans leur milieu naturel, mais aussi pour rencontrer et installer la confiance avec les personnes (éleveurs, bergers, chasseurs…) qui interviendront dans le film. À la différence des deux premiers films, je ne suis plus seul, il était important pour moi de faire parler les « acteurs », notamment ceux qui ont une approche positive et réaliste de la présence des loups et aller chercher au plus profond la force émotionnelle qui les anime. Le public va parfaitement retrouver mon personnage et je vais l’impliquer d’avantage, avec des moments de surprises très forts. J’ai donc passé de longues périodes, seul, en pleine montagne à filmer les loups et la nature, rejoint une semaine par mois par le chef opérateur et l’ingénieur du son afin de réaliser les scènes qui donnent forme à mon personnage. « Ces jeunes bergers ont tous subi des attaques. Aujourd’hui, on peut dire que dans les Alpes en tout cas, les loups font vraiment partie intégrante de leur travail.
"Mais les bergers ne sont pas seulement là pour défendre les brebis contre les loups, ils doivent aussi veiller au bien-être du troupeau, soigner les bêtes blessées ou malades et les faire profiter au mieux de la ressource en nourriture. Ils doivent aussi veiller à préserver la fragilité des alpages."» Voix off
Car il y a du nouveau…
Lorsque je réalise un film, je passe énormément de temps sur le terrain en pleine nature et lorsque le film sort sur les écrans, je change de décor et me consacre alors à la promotion et l’accompagnement du film dans les salles de cinéma. Ce partage avec le public et avec les nombreux débats le nourrissent et m’inspirent. Puis la montagne et les loups m’appellent à nouveau et je me replonge avec frénésie au cœur du Sauvage avec de nouvelles idées et d’autres histoires à raconter. Après mes deux longs métrages sur les loups, réaliser une trilogie devint une évidence, m’imposant une nouvelle aventure cinématographique intitulée Vivre avec les loups. Après le tourbillon des médias et des débats passionnés, souvent bienveillants, parfois tendus, où les détracteurs du loup expriment leur violence et leur haine, je suis revenu dans le massif sauvage des Écrins avec des sentiments partagés et l’impression qu’il faut faire évoluer les mentalités.Je suis donc reparti en montagne, trouvant refuge dans une cabane improbable, un abri sous roche magnifique, au cœur du territoire d’une famille de jeunes loups nouvellement installés. A cet endroit, j’ai pu faire le point, me retrouver et préparer un nouveau film, car il y a du nouveau…
«
Ici à la cabane je poursuis mon chemin vers la compréhension du vivant.
Les loups sont d’excellents guides… Ils sont un indicateur de la santé
biologique des milieux naturels, ils sont aussi un indicateur de notre
capacité à nous, humains, d’accepter la nature. » Voix off
** © Bertrand Bodin
Les thématiques abordées :
Nous constatons aujourd’hui que certains territoires des Alpes sont déjà à leur maximum de capacité. Dans de nombreuses vallées tous les territoires favorables sont occupés par des loups : C’est complet. A ce stade, le problème actuel n’est plus de se poser la question d’être pour ou contre les loups, mais la nécessité de s’adapter à leur présence. J’ai voulu souligner leur territorialité leur capacité de contrôler le nombre des ongulés sauvages (chevreuils, sangliers, cerfs, chamois etc.), afin de préserver cette ressource dont dépend leur survie. Une notion d’autorégulation des espèces, souvent incomprise qu’il est important d’expliquer encore et encore. Au-delà de la simple fascination que l’on peut avoir pour les grands prédateurs (loups, ours lynx), ils sont un marqueur de la richesse biologique des territoires qu’ils occupent. Ils ne choisissent pas un nouveau territoire par hasard. Ils participent à la régulation des ongulés sauvages. Le loup est un bon exemple pour comprendre l’interdépendance prédateur/proie et les bénéfices biologiques qui en résultent, notamment pour la bonne santé et le développement de la forêt grâce à une pression moins forte des ongulés sauvages sur les jeunes arbres. Pour se régénérer, la forêt a besoin des grands prédateurs. Ce comportement territorial des loups et la dispersion qui en découle va continuer et progressivement concerner toutes les régions de France. C’est inéluctable. Aujourd’hui il est très important de se préparer partout à leur retour et de profiter de l’expérience alpin
Une anticipation indispensable pour montrer aux loups que les troupeaux domestiques ne sont pas à leur disposition. Une façon aussi de monter que l’arrivée des loups en territoire inconnu n’est pas chose facile à appréhender pour les acteurs du terrain. Il est nécessaire de soulever la problématique de la cohabitation entre les éleveurs (mais aussi du monde de la chasse) et les grands prédateurs. Tous les éleveurs ne sont pas contre le loup. D’ailleurs cette notion d’être pour ou contre est aujourd’hui clairement dépassée.Les polémiques et les clivages sont récurrents lorsqu’il est question du loup, pourtant certains éleveurs et bergers ont une autre façon de voir les choses et se disent que maintenant que les loups sont de retour, il faudra bien faire avec. C’est avec pragmatisme qu’ils cherchent des solutions pour protéger leurs troupeaux de ce prédateur intelligent et opportuniste. Ce sont ces gens du terrain que j’ai voulu mettre en avant en leur donnant la parole, c’est là un des buts principaux de ce nouveau film. Les actions positives de ces éleveurs à l’esprit ouvert ne manquent pas, j’aborde ainsi la problématique des loups à travers le regard de ceux qui vivent à leur proximité au quotidien et qui réussissent pourtant, par leur professionnalisme et leur intelligence de travail, à imposer au prédateur des limites à ne pas dépasser.
« En quelques années tout s’est accéléré. De nouvelles familles de loups se sont installées sur les territoires voisins et rapidement tous les territoires disponibles ont été occupés…. Normal ! » Voix off
Bon à savoir :
Prolonger l’aventure du film... … un livre aux éditions La Salamandre
Texte : Marie-Pierre Adam
Photos : Bertrand Bodin et Pierre Sellier Parution : novembre 2023 – Format 23 x 27,8 cm, 128 pages Prix TTC : 29 €
Recette :
La recette du Génépi de Milou :
Faire macérer 50 brins de génépi fraîchement cueillis*dans 50 cl d’alcool à 90° pendant 40 jours minimum. Faire bouillir 50 cl d’eau avec 26 sucres (27 !...) et mélanger à l’alcool filtré. C’est prêt. *Renseignez-vous : la cueillette de cette plante est réglementée.
Ce documentaire à la différence de certains autres, ne nous fait pas suivre l'histoire en particulier d'une famille de loups, ou autre animal, mais nous apprend comment les loups ont pu déserter certains territoires et désormais y revenir.
On y apprend la manière de vivre des loups, leur façon de s'approprier un lieu, comment se forme les meutes et pourquoi il est parti de France, d'où il vient, ce qu'il mange, les portées, son comportement envers l'homme, les animaux, etc....
Le réalisateur propose des images non pas issus d'une caméra où il suit les loups, mais de caméras de chasse disposées un peu partout dans la forêt.
Crédits photos et vidéo : Gebeka Films - * © Pierre Sellier - ** © Bertrand Bodin
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