Cinéma : Juste la fin du monde (critique)
Jeudi 15 septembre 2016, au MK2 Bibliothèque, avant-première en grande pompe, du dernier film de Xavier Dolan "Juste la fin du monde".
Une grande partie de l'équipe, introduit par Mr Thierry Frémaux Délégué du Festival de Cannes et Président de l'Association Frères Lumières, est présente.
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Ce film du jeune réalisateur Xavier Dolan, depuis son grand prix au dernier Festival de Cannes, a fait couler beaucoup d'encre. En bien, en moins bien. J'ai hâte de le visionner.
L'un après l'autre les acteurs et actrices présents vont nous dire un petit mot.
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Puis la lumière s'éteint le long métrage commence.
95 minutes se sont écoulées et les avis divergent déjà sur "Juste la fin du monde".
Dès les premières images j'ai su que ce film allait me plaire. Un je ne sais quoi qui vous prend aux tripes et qui ne vous lâche plus.
Xavier Dolan est un extra-terrestre, son art un ovni dans le monde cinématographique d'aujourd'hui. Il ne filme pas comme tout le monde, il est à part. Pourtant si jeune et déjà une telle maturité.
Ce film est l'adaptation de la pièce éponyme de Jean-Luc Lagarce. Il a gardé le texte tel quel et les comédiens disent mot pour mot ce qui a été écrit dans l'oeuvre de cet artiste disparu. C'est une chose à laquelle Xavier Dolan tenait. On pourrait alors penser que l'on va se retrouver comme "au théâtre" et les entendre déclamer leur texte, mais il n'en n'est rien, car ce casting français, est juste remarquable, le jeu des comédiens incroyablement fort et ils nous font tous passer, chacun leur tour une sensibilité extrême.
Dans une scène on croit préférer l'un, puis dans le plan suivant c'est l'autre. Aucun artiste ne se dégage, ils sont une famille dans le film et en dehors du film. Ils sont en communion tout en étant tous différents.
De l'émotion, toujours de l'émotion, tout au long de ce long métrage. Dès le début en gros plan Gaspard Ulliel, Louis dans le film, se rend voir sa famille, à qui il n'a pas rendu visite depuis 12 ans pour leur annoncer qu'il va mourir, Sida, cancer.... ????
Son regard, sa transpiration tout vibre chez lui. Tout est canalisé et le sera tout au long du film. Louis est là, mais au fur et à mesure que son départ approche il est filmé de manière différente, comme si il les quittait de plus en plus jusqu'à l'issue fatale. Bien qu'étant détaché il n'a jamais peut-être été aussi près d'eux.
Gaspard Ulliel excelle en auteur malade qui vient annoncer la nouvelle. Peu de texte pour celui-ci mais tous les mots sont dans son regard, dans ses gestes, ses pensées dans lesquelles on arrive à lire. C'est un livre ouvert à lui tout seul et il ne nous reste plus qu'à suivre le cours de l'histoire.
Vincent Cassel, Antoine dans le film, nous fait souvent rire avec ses expressions paillardes, tous ses gros mots, ses colères. Au travers de sa grogne on perçoit tout le mal être qu'il peut ressentir et il n'a peut-être jamais été aussi bon dans ce registre, car son impatience nous prouve son chagrin.
Léa Seydoux, la sensuelle actrice, a ici un rôle de révoltée. Elle tient le rôle de Suzanne, la petite soeur qui a peu vu son frère mais qui est tellement heureuse de le voir, de le découvrir. Tatouée, fumant des joints, se moquant de la vie et pourtant pas tant que cela car elle veut fuir cette maison, cette ambiance pesante mais elle n'en n'a pas le courage ou peut-être pas l'envie en fait.
Nathalie Baye, la mère. Excentrique à souhait. Il y a bien longtemps que l'on n'avait pas vu cette actrice dans un tel registre. Elle est exceptionnelle. Fardée à outrance, habillée de mauvais goût, et pourtant malgré cet aspect, elle est très clairvoyante et beaucoup plus intelligente qu'elle ne le laisse paraître sous sa perruque et son vulgaire maquillage. Derrière cette apparence se cache une femme qui a souffert et qui souffre encore.
Quant à Marion Cotillard, Catherine, la belle-soeur de Louis, femme de Vincent Cassel, est étonnante dans son rôle. Je suis encore surprise d'une telle composition. Timide, s'exprimant par balbutiements, mal à l'aise elle se sert du texte pour faire passer tellement de sentiments. Ses regards, ses gestes, tout est juste, millimétré chez cette comédienne, dirigée de main de maître par Xavier Dolan. Elle nous livre une grande prestation unique. La seule, je pense à travers une vitre qui comprend pourquoi Louis est là ce jour.
Etonnants interprètes, on croit toujours que ces acteurs ont donné leur meilleure interprétation et nous prouvent avec ce film qu'ils peuvent encore jouer différemment et nous surprendre. Il faut dire que Xavier Dolan a su saisir chacune de leur sensibilité et les a poussé dans leur retranchement pour en tirer le meilleur.
Bref, tous les protagonistes de "Juste la fin du monde" sont bons et les gros plans, les plans fixes, les plans serrés, la lumière la musique rendent ce film encore plus profond.
Je retiendrai la scène des regards, presqu'au début du film, entre Marion Cotillard et Gaspard Ulliel, l'échange dans la cabane entre Nathalie Baye et son fils et le dernier déjeuner entre eux.
Beaucoup de cris, de violence verbale dans ce long métrage. Une communication impossible, des non-dits comme dans beaucoup de famille. Louis est étranger dans sa propre famille. Pourquoi est-il revenu ? Ont-ils compris ? Font-ils semblant de ne pas comprendre ? Pourquoi es-tu revenu ? Que de questions en suspens qui donnent à ce film une ambiance lourde, pesante, que nous spectateurs nous pouvons ressentir. Rare doivent être ceux qui ne se reconnaîtront pas à un moment donné dans "Juste la fin du monde". On a tous, ou presque, vécu un moment similaire, ne serait-ce qu'une bribe, une minute, une émotion d'un tel échange familial.
La moiteur ambiante, due au texte, aux dialogues, aux échanges de regard, et à la saison où se déroule le film, apporte encore plus de profondeur à cette oeuvre.
Beaucoup de conflits dans ce film mais beaucoup d'amour également, de l'amour caché car on ne peut pas ouvrir son coeur. Un film peut être plus classique que les précédents mais au demeurant excellent. Un film comme on ne voit pas souvent après tout dépend comment on le ressent et certains adoreront d'autres moins.
La musique est omniprésente. Elle a vraiment bien été choisie pour accompagner chaque scène. Pensé de concert entre Xavier Dolan et Gabriel Yared pour la post-production.
J'ai eu vers la fin des frissons qui m'ont parcouru, j'en ai vu certains pleurer, d'autres qui n'ont pas été atteint par ce film alors à vous de juger en allant le voir.
Xavier Dolan et talentueux, tellement mature et nous offre là une oeuvre, avec un casting de rêve, que je ne vais pas de suite oublier.
JUSTE LA FIN DU MONDE
Réalisé par Xavier Dolan
D'après la pièce de Jean-Luc Lagarce
Avec : Gaspard Ulliel, Marion Cotillard, Nathalie Baye, Léa Seydoux, Vincent Cassel
Nationalité : Français, canadien
Genre : Drame
Durée : 1 h 35
Distributeur : Diaphana Distribution
En salle le 21 septembre 2016
Le synopsis :
Ce sont les retrouvailles avec le cercle familial où l’on se dit l’amour que l’on se porte à travers les éternelles querelles, et où l’on dit malgré nous les rancoeurs qui parlent au nom du doute et de la solitude.
BONUS
Comme à chaque fois que j'ai le plaisir de rencontrer les artistes je partage avec vous quelques photos prises durant la soirée.
De gauche à droite : Thierry Frémaux, Xavier Dolan, Gaspard Ulliel, Léa Seydoux, Marion Cotillard
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Crédit photos et vidéos : ©Shayne Laverdière – Sons of Manual - Diaphana films - *Autres Dame Skarlette
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Merci du partage ! Belle soirée
RépondreSupprimerJ'ai bien envie de voir ce dernier Dolan.
RépondreSupprimerBisous à toi et à plus sur nos blogs respectifs!
La bande annonce me faisait hésiter, irai-je voir ce nouveau Dolan. Mais tu me donnes envie !
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